J’te connais depuis qu’on est ti-cul. T’avais les cheveux plus long que moi au primaire et je t’aimais pas en 5e année. Ça pas été long que toi et moi, on était inséparable. On a grandi nos p’tites années jusqu’à l’adolescence, l’entrée au secondaire. Là où on s’est séparée, mais juste d’école. Une période qui n’était pas facile pour moi puisque j’ai été intimidée solide là où j’suis allée. En secondaire 3, on s’est manigancée de se retrouvée à la même école. Manigancé oui, parce que nos parents nous interdisaient de se voir, après que j’aie pris l’auto à ma mère avec toi et qu’on était allée voir des p’tits mecs à St-Hubert qui l’un d’eux, ressemblait donc à Devon Sawa dans Casper et qui a donc planter l’auto à ma mère dans un fosset avec nous dedans. Mais on était pas née hier, on était wise pis on s’ennuyait donc de plus se voir autant.
Ma passe d’intimidation à l’école, j’te l’ai jamais dit. Ni à toi, ni aux autres amis. J’avait honte d’avoir été humiliée. Et à cet âge là, après avoir vécu ce que j’ai vécu et avoir cru devoir quitter cette Terre pour arrêter de le vivre, j’ai gardé le secret. Ça m’aurait achevé si t’avais su que j’étais rejet pendant ces deux années. Peut-être tu m’aurais même laisser de côté. Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard que je t’ai avoué la vérité de ce que j’avais vécu ces années là. T’étais presque fâchée que je ne t’avais jamais rien dit. Parce que non, tu ne m’aurais jamais abandonné pour ça.
Les années ont passé et on a toujours été proches. Les chums, les déménagements, les partys, les amis, les fêtes, on était partout ensemble. Les gens enviaient notre amitié, on s’le faisait dire tout le temps. T’était la seule personne au monde avec qui je pouvais aller déjeuner 4 fois par semaine et quand même arriver à se pèter des 3 heures en ligne de placotage au téléphone… mais qu’est-ce qu’on pouvait bien se dire ?! Toujours plein d’affaires anodines, spirituelles, potins, name it.
J’me suis faite un chum un moment donné. Un gars qui me faisait rire, qui me donnait tout l’attention du monde pendant un instant. Toi, tu vivais échec par dessus échec avec des gars qui te méritait pas. Des beaux tatas que j’aurais castré pour toi. Et moi, je vivais le bonheur total, j’étais tellement heureuse, en amour, je puais l’bonheur. Mais autour de toi, j’ai toujours fait attention de pas trop me démontrer. Je savais que quand quelqu’un est trop heureux autour de nous, ça nous rend méprisant, triste, en crisse. Bref, j’ai toujours fait preuve de retenue pour pas que tu te sentes à l’écart.
Puis un jour, ton monde a chaviré. Le mien aussi. Mais beaucoup plus le tien. Tu m’as appelé, inquiète, un lundi soir d’automne. J’étais chez mon chum, je travaillais bien tranquille sur un projet vraiment cool. Tu me dis que frèro a eu un accident de moto mais rien de trop grave, c’était même peut-être juste un luxation de la cheville. Je t’ai répondu que je descendrais en ville pour aller te supporter et voir le p’tit frère. P’tit gars que je connais depuis autant longtemps que toi qui, par la force des choses, était devenu le mien aussi depuis le temps. Tu raccroches en me disant d’attendre ton retour d’appel, d’un coup. J’ai rien voulu dire mais je savais que quelque chose de grave s’était passée et j’ai pris la route quelques minutes plus tard. L’appel suivant m’a fait faire Blainville / Montréal en 22 minutes. J’suis arrivée, tu t’es effondrée, il avait quitté. Je t’ai ramassé, tu m’as ramassé, on était deux enfants en sanglot sans fin. Tes parents étaient là, j’aurais tellement voulu que ce ne soit qu’une luxation de la cheville… mais c’était vrai. Trop vrai. La nuit qui a suivi, je t’ai gardé. On a vu des gens, on s’est soûlée. Des gens ont pris la relève pour rester avec toi. J’ai passé les deux semaines suivantes à te suivre dans ta peine, matin, midi, soir. On a bu en esti dans ce temps là. Les funérailles ont eu lieu, la ville au complet est venue. Ta famille et toi avez reçu le plus beau signe de respect et d’amour qu’on ne pourrait souhaiter pour son fils, son frère. Mais là, c’était vrai. J’ai demandé à ton frère ce jour là, qu’il te trouve un bon gars. Quelqu’un qui va t’aimer comme tous les autres l’ont pas fait, ou mal fait. Quelqu’un qui saura prendre soin de toi comme possiblement lui aurait aimé pouvoir faire plus tard dans sa vie, être là pour toi. Te donner un break sur l’amour pour que tu puisses enfin le vivre pour vrai. C’était mon souhait, ma demande.
Les semaines ont passé, mon chum et moi c’était beau. On s’entendait tellement bien et les gens nous enviaient donc ben. On était un méchant power couple. Le 1 an a passé, les bébittes se sont mis à sortir. Mon chum, sans que je m’en rende compte tant que ça, avait un vivide problème d’alcool. J’ai réalisé ça quand mes bouteilles que j’achetais se retrouvaient vides, ou à moitié vide en très peu de temps. N’ayant jamais vécu avec un alcoolique ou avoir même côtoyer quelqu’un qui boit maladivement, ça m’a prit un bout avant d’le réaliser. J’ten ai parlé mais sans plus. Tu vivais encore ton deuil mais tu te forçais pour sortir, pour voir du pays, pour te sortir de ta noirceur. Je t’encourgeais toujours à faire quelque chose, whatever. Juste quelque chose. Tu m’es arrivée des mois plus tard à vouloir aller rejoindre un mec sur un coup d’tête à Amsterdam. Wow. J’me suis dit que j’avais retrouvé ma chum. T’avais repris du spark, j’étais tellement contente. J’avais aucune idée si ça allait revenir. Bon, c’était pas l’homme de ta vie mais t’avais quand même eu du fun et juste ça, c’était assez pour moi. Avec tout ça, j’en gardais beaucoup pour moi avec mon chum parce que je voulais pas te parler de mauvaises histoires trop souvent. T’étais fragile et j’ai pas voulu jouer avec ça. J’me suis concentrée sur ma business et j’essayais de vivre avec tout ce qui se passait autour de moi.
J’avais un client dans ce temps là qui était un peu olé olé pour qui j’ai adoré travailler. On avait tellement de fun et ça m’a permis de rencontrer une panoplie de gens intéressants et cool. Y en avait un en particulier que j’aimais toujours voir. Y était tellement drôle, fin, bref, il faisait du bien au moral et il était toujours de bonne humeur. Je m’étais dit que si j’avais été célibataire, je l’aurais sûrement essayé. Et puisque toi et moi on se ressemble tellement, je savais que si moi je l’aimais bien, y aurait peut-être des chances que ça soit un bon parti pour toi. T’es pas plus emballée que ça quand je t’invite à une soirée où il est là. T’as l’oeil sur un autre, un bel épais. Plus grand, plus beau, mais cave. Que veux-tu, on a toujours aimé ça des bad boys qui nous traitaient comme d’la marde. Alors tu lui portes pas attention plus que ça mais moi, je lâche pas le bâton. Je te quasi force à aller sur une date avec lui. Tu me dis que ça te tente zéro mais je te dis que tu n’as qu’à aller à une seule date. Si t’as pas compris qu’il est cool comme j’le trouve cool rendu là, ben je m’aurai trompé pis on passe au prochain. T’acceptes et tu y vas. Tu me reviens en me disant que j’avais raison. Qu’il est cool. Alors y’en a une 2e, pis les plans sont entre vous deux, que vous devez atteindre 5 dates avant de coucher ensemble. Non mais tsé, wow. Encore là, je tripe ben raide parce qu’à quelque part, j’suis pourrie pour moi mais j’ai toujours réussi à bien matcher les autres. Le temps passe, les 5 dates passent, ça devient ton chum et t’es heureuse x 1000 et je le suis tout autant pour toi. ENFIN. Un bon jack pour ma chum. De mon côté, les choses se sont envenimées. Les problèmes d’alcool de mon chum s’empirent, il part à 6PM et revient à 6AM. Même une fois je l’ai pogné à aller prendre sa douche en arrivant. Je suis à boutte. Ça fait des mois que c’est comme ça et ça commence à jouer sur mon moral, sur ma santé, sur ma personne. J’étais en train d’accepter de me faire traiter comme d’la merde. Et une relation toxique comme celle que j’ai vécu avec lui, pervers-narcissique en plus, ouff… j’étais sans repère et en plus, on travaillait ensemble une soirée par semaine. Une soirée où tu venais me voir travailler.
Plus les semaines avançaient, moins je te voyais. Malgré que tu étais là pratiquement à toutes les semaines. T’étais là, mais t’étais pas là. T’étais avec ton nouveau chum et vous ne vous lachiez pas une seconde. J’avais des tonnes de choses à te dire et je ne pouvais juste pas. T’étais heureuse, vraiment heureuse. Et c’étais maintenant à mon tour d’être misérable comme une pierre et prise dans une relation que j’arrivais pas à voir la fin. J’étais prise et j’avais personne pour me confier, m’aider, me dire quoi faire. T’avais toujours été bonne pour me dire quoi faire, me réveiller quand j’étais endormie. Et là, y avait plus de place pour moi. Et ça, ça m’a fait tellement mal. Je t’ai appelé un jour de décembre pour te dire à quel point je trouvais ça poche que tu te pointes pour me voir mais que tout ce que je peux voir c’est des mains trippoteuses, des gros frenchs qui finissent plus, tout le temps à toutes les semaines. Chose que j’avais toujours tamisée avec toi pour pas que ça te gosse ou te peine pour éviter de troubler peu importe l’état dans laquelle t’étais. Et la chose que tu m’as dite, je ne l’oublierai jamais; “Je ne sacrifierai pas mon bonheur pour personne”. C’était… comme si quelqu’un m’avait tranché la gorge. Comme si la personne en qui tu as une confiance aveugle, te tue en te regardant droit dans les yeux. J’ai raccroché ce jour là avec toi et j’ai pleuré. J’ai tellement pleuré. J’me suis sentie comme dans le temps, où j’avais personne pour confier mes malheurs d’être intimidée à l’école. Erreur que j’avais fait selon toi parce que tu m’as toujours dit que je pourrais toujours te dire tout. Eh ben non. J’ai parlé une fois de trop et là, ça été la fin de nous deux.
Les semaines, les mois, et maintenant les années ont passé. Je me suis remise de mon chum alcoolique, cocaïnomane qui m’a trompé, m’a rendu cocu devant des gens qui ne disaient rien. Je mes suis remise d’avoir fait le deuil de ma rupture interminable avec lui et incroyablement toxique. Je me suis remise de ma chum pour qui j’aurais tout donné, même notre amitié pour qu’elle soit heureuse. Je me suis remise d’avoir fait le deuil de toi, la fille qui partage ma vie depuis les 27 dernières années. Je me suis remise d’avoir été trahie, laissés, abandonnée et mise de côté pour d’autres. J’me suis remise d’avoir eu des pensées noires et d’avoir donné autant d’importance à des relations qui ne donnait pas autant d’importance à moi.
Toute cette histoire a eu son lot de peine, de tristesse, de déception. Mais j’en ai profité pour apprendre. Apprendre sur moi, sur les autres et comment éviter ce qui m’est arrivé en amour et en amitié. Aujourd’hui, je me protège, je fais plus attention. J’en ai profité pour faire le ménage des gens qui m’entourent et m’assurer que ce sont pour les bonnes raisons. Ça fait la place à des gens qui m’aiment pour qui je suis devenue et qui respectent mon cheminement. J’ai découvert la méditation, des tonnes de livres et des gurus qui m’aident à me centrer et à me retrouver. Je vois la vie d’un oeil positif aujourd’hui et sachant que j’ai pu passer au travers de 2 ans de difficultés en continue presque seule, je sais à quel point je suis forte et que je survivrai à n’importe quoi dans cette vie.