Pour vivre une dernière ‘date’, il y a deux façons.
Celle où deux personnes s’aiment mais la maladie s’empare de l’un d’eux. L’autre, c’est celle où ils doivent se laisser, même s’ils s’aiment encore. Ils se rendent à un point où leur relation ne mène à nul part pour des causes différentes, parce qu’ils voient certains objectifs de la vie différemment, parce qu’ils ont perdu la route qu’ils entreprenaient ensemble.
Et bien c’est d’elle dont je parle. Et c’est mon histoire. C’est comme un roman, mais pour vrai.
Après des semaines à s’avoir acharné sur ce qu’il n’allait plus. Après des engueulades sur les habitudes d’un et l’autre. Après avoir franchi un point de non retour. Après tout ce qui était malsain vers la fin de notre relation mais avec l’amour qui nous restait, tout ce qu’on voulait, c’était de tenir l’autre dans ses bras et de sentir que c’est pas fini parce que, ben, on s’aime. Fort.
Après avoir quitté quelques jours et de s’avoir écrit des textos de toutes sortes, on a décidé de se voir. On avait peur de ce que ça allait nous faire. Est-ce qu’on va flancher et reprendre sans avoir réglé nos problèmes? Est-ce qu’on va se faire plus de tord que de bien en tournant le couteau dans la plaie une dernière fois? Qu’est-ce qu’on va bien se dire? Tout ce qui était à dire, avait déjà été dit.
Malgré tout ce qui s’était passé, je voulais le voir une dernière fois. Le serrer dans mes bras une dernière fois. L’embrasser une dernière fois. Lui faire l’amour une dernière fois. Rire avec lui une dernière fois. Et notre dernière fois, a été mémorable.
Je me suis présentée à la porte, je suis entrée. Il est venu à ma rencontre. On s’est regardé sans rien se dire pendant plusieurs minutes. On s’est regardé dans les yeux plus profondément qu’on s’était regardé depuis longtemps. On avait mal. Les deux on était déchiré. Maladroits comme une première ‘date’, on est parti s’asseoir au salon. À nouveau l’un devant l’autre, on s’est regardé pendant une éternité. Jusqu’à ce que l’un de nous commence à parler. C’était comme une première ‘date’ mais avec les papillons d’une autre façon. Les papillons n’avaient plus d’énergie, ils ne volaient qu’avec l’aide d’un respirateur artificiel avant de mourir.
Il m’a dit ce qu’il allait faire, ce qu’il allait entreprendre. Je lui ai raconté mes plans aussi. Notre avenir était maintenant séparé et aussi fort qu’était le désir de rester ensemble, on n’en pouvait plus. La conversation était longue parce qu’il a fallu prendre des pauses kleenex, des pauses pour pleurer, des pauses à se regarder et à se demander dans nos têtes – à quel point on a pu se perdre pour se rendre ici?
Ça faisait plusieurs jours qu’il y avait canicule et ce soir-là, dame nature a accompagné notre histoire. Le tonnerre et les éclairs arrivaient l’un après l’autre. Fort. Les vents se sont levés. On a mis notre converse sur pause, le temps d’aller chacun de notre côté dans la maison. J’ai sorti dans la cour pour voir le vent, les arbres penchés d’un côté et de l’autre, le bruit des feuilles, la détresse météo qui prenait place au-dessus de moi. En très peu de temps, le vent s’est déchainé et tout semblait voler. Feuilles, branches, sable, c’était une mini tornade. Quand les choses se sont mises à tomber et à revoler, j’ai couru dans la maison et de force, j’ai fermé la porte. Il est arrivé en arrière de moi. Il est sorti enlever le parasol, les trucs qui tombaient. Il s’est mis à pleuvoir d’un coup sec et il est rentré. On s’est dirigé devant la maison pour se mettre sous le balcon et on a observé ensemble ce phénomène qui était plus qu’approprié à ce moment-là. Chacun de notre côté, on regardait cette pluie battante qui dura une bonne demi-heure. En jetant un mot ici et là, on était juste bien. L’un a proximité de l’autre. J’étais soulagée, j’avais enfin mon homme à côté de moi. Il était juste là. Celui avec qui je partageais ma vie pour encore quelques heures à peine.
On est ensuite entré à l’intérieur et on s’est assis à nouveau, face à face sur le divan en jetant quelques coup d’oeil dehors le temps de reprendre notre souffle avant de se dire quoi que ce soit. Il m’a demandé, à quoi tu penses? Je lui ai dit que les conditions météo reflétaient exactement ce qui se passait avec nous, au même moment, dans notre coeur, notre corps, notre tête. Une réflexion miroir du tourbillon de non-sens et de contradictions amoureuses qu’on était en train de vivre. J’ai absorbé mes larmes de l’intérieur. Quelques minutes plus tard, je lui ai demandé à mon tour, à quoi il pensait. Il m’a regardé profondément, comme s’il pouvait voir mon âme et tout à coup, c’était plus fort que lui, il s’est jeté sur moi et il m’a embrassé. On s’est embrassé comme une première ‘date’. On s’est embrassé comme si on venait de se marier. On s’est embrassé comme si c’était la dernière fois qu’on s’embrassait. Et on a fait ça pendant longtemps. Même à l’écrire en ce moment, j’en ai des frissons. Ça et des larmes qui coulent le long de mes joues. Tonnerre, éclairs accompagnaient notre baiser intemporel jusqu’au moment où c’était plus fort que nous. Le linge à pris le bord. Le regard vulnérable, on s’est fait l’amour comme si on était sur notre nuit de noces. Je ressentais la sincérité, notre amour comme il l’était au tout début, notre désir mutuel flagrant, notre sexualité la plus pure.
Nos ébats se sont terminés et on s’est regardé pendant longtemps, les yeux doux, le linge un peu partout, la pensée qu’on est fou de se laisser. On a décidé d’écouter un film pour se faire rire, pour arrêter de penser parce que, peu importe, on devait partir chacun de notre côté. Avec toujours une température à l’image de notre moment, on écoute un film, collé. Il me joue dans les cheveux, il me flatte, il m’embrasse. Comme c’était avant. C’était pour ça que j’étais prête à vivre ce moment. Peu importe comment ça allait finir et si c’était plus de mal que de bien. À ce moment là, je m’en foutais complètement. Tout ce que je voulais c’était d’être avec lui et qu’il soit avec moi. Et c’était exactement ça qu’on avait.
On est ensuite parti se coucher. Il quittait le lendemain. En arrivant dans la chambre, il avait allumé des chandelles des deux côtés du lit. J’y suis rentrée, nue. On s’est collé comme on ne s’était collé en longtemps. Il s’est étiré pour prendre son iPhone sur la table de nuit et il a mis une chanson en arrière-plan mais assez forte pour pouvoir l’écouter. J’ai reconnu les premières notes. Il est sorti du lit et m’a tendu sa main. Je suis venue les yeux plein d’eau parce que je savais qu’on était en train de boucler notre histoire. C’était la chanson ‘Georgia’ de Ray Charles. Chanson sur laquelle on avait dansé notre premier slow, à notre première ‘date’…
On s’est tenu fort pendant ces 3 minutes. On a dansé complètement nu, un collé après l’autre. On s’est embrassé fort pendant ces 3 minutes. Comme si c’était les dernières qui nous restaient. Comme si c’était tout ce qu’on avait. Quand la chanson a joué ses dernières notes, on s’est fait l’amour. Mais vraiment l’amour. L’amour comme dans les romans. L’amour que tu veux pour toujours. L’amour, comme si c’était la dernière fois. Et c’était la dernière fois… On a dormi collé toute la nuit, on n’aurait pas pu être plus collé. C’était un moment magique. Un moment que je n’aurais jamais voulu voir finir.
Les heures se sont écoulées, le soleil s’est levé. C’était déjà le matin. J’ai ouvert l’oeil avant lui et je me suis mise à pleurer. C’était là. C’était l’inévitable. C’était la fin. La fin de nous. La mort d’une grande partie de moi. J’allais perdre la personne avec qui je me voyais vivre le reste de mes jours. Celui avec qui j’avais envisagé me marier, vieillir et mourir. Celui avec qui je voulais me coller pour le reste de mes jours. J’ai passé de longues minutes juste là, à le regarder dormir. Comme j’ai toujours aimé faire depuis que je dors à ses côtés.
Il s’est levé pas longtemps après moi. Ses sacs étaient faits de la veille. Tout ce qui lui appartient était rangé. Et moi, je ne pouvais pas rester pour le voir partir. Je devais partir avant. Je me suis habillée, j’ai pris ma sacoche, mes clés. J’étais rendue sur le bord de la porte. Il est venu me rejoindre et on s’est regardé pendant de longues minutes. Des minutes dans lesquelles on se disait intérieurement, mais qu’est-ce qu’on est con. Qu’est-ce qu’on est con. Comment est-ce qu’on peut être si parfait ensemble et devoir se laisser? Il s’est approché, on s’est embrassé. Cette fois, c’était la vraie et c’était pour la dernière fois. On s’est serré fort, encore, pour la dernière fois. On s’est dit ‘je t’aime’ encore et encore.
Le visage mouillé, le ventre à l’envers avec tout ces foutus papillons qui volent à reculons dans tous les sens, j’ai descendu le balcon, ouvert la porte de mon auto, je me suis assise, j’ai bouclé ma ceinture et j’ai démarré ma voiture. Il était debout, sur le balcon à me regarder partir. Il m’a fait un dernier signe de la main, moi aussi et je suis partie… Ma belle histoire d’amour était maintenant terminée. Parce que oui, malgré tout, elle était belle.
J’étais morte en dedans. J’ai pleuré ma vie sur mon chemin. J’avais aucune idée où je m’en allais. Figurativement et littéralement. Je savais plus. On s’aimait tellement. Comment est-ce qu’on a pu se rendre là?
Les crevasses, dans notre couple et dans chacun de nous, l’ont emporté. Quand je refais le tour, les mêmes pépins revenaient depuis plus d’un an. Incroyable à quel point le temps passe vite quand on repousse à faire face à nos problèmes, autant lui que moi. Le destin s’est emparé de nous. Et comme tout le monde dit, le temps arrange les choses. À voir si le destin fréquentera bien le temps et prouvera finalement que le choix qu’on a fait, était le bon. Parce qu’en ce moment, ça semble tout sauf. C’est malade comme ça fait mal.
Je vais pour toujours chérir ce qu’on était, en commençant par notre première et en terminant par notre dernière… ‘date’.
Je t’aime. Fort. Probablement pour très longtemps. Encore.
Me, Myself & ma Vie.