Quand je vois des couples qui s’aiment, je rougi. Quand je pense aux bons moments, je ralenti. Quand je nous vois heureux, j’arrête. J’en profite. Ça n’arrive plus autant qu’avant et je veux le savourer. Pleinement.
On a commencé en grand, on volait le show. Les gens étaient jaloux de nous parce qu’on était parfait. Le parfait dont aujourd’hui, je suis devenue jalouse. Le parfait de se parler normalement. Le parfait de se dire des mots doux, de se donner des compliments, de se dire je t’aime. Le parfait qui m’a amené à comprendre pourquoi tous les autres gars dans ma vie n’avaient été que de passage parce que c’est toi avec qui je devais être. Et j’étais heureuse. Heureuse d’avoir trouvé un homme avec une écoute. Un homme avec un humour qui me donnait des ailes. Un homme avec qui je me voyais faire le reste de mes jours parce qu’avec toi, j’étais publiquement et dans l’intimité, la seule au monde et ça, c’est le sentiment que toute femme veut vivre pour la vie.
Mais c’est devenu un château de cartes notre histoire. Mes attentes sont devenues des caprices pour toi et ta nonchalance est devenue un supplice pour moi… Notre château avait deux étages au début. On s’aimait d’amitié, puis d’amour. On riait tout l’temps, on était rayonnant, on s’aimait vraiment. Abondamment. Puis, le 3e étage s’est monté après qu’on ait appris des trucs sur nous qui nous plaisaient moins. Mais tout de même, on était solide. Du roc. Puis une première chicane qui s’est réglée rapidement parce que nous, on se chicanait pas. Puis une deuxième, une dixième, une centaine puis un coup d’vent. Tout a foutu l’camp. On s’est mis à se manquer de respect. À ne plus faire l’amour autant qu’avant. À se ranger chacun de nos côtés parce que c’est l’autre qui a tord. Tout l’temps. Mais pas nous. Nous, notre égo, notre fierté, ça pas tord. Jamais.
On s’est dit nos quatre vérités en pleine face. Souvent. Tu m’as fais pleurer, je t’ai blessé. À couteaux tirés, on s’est fait beaucoup de mal. On s’aime mais en même temps, on est plus pareil. On l’a cherché, on l’a voulu, puis on a arrêté de vouloir. Ça s’est fait naturellement. Et aujourd’hui, on s’en veut. Comment est-ce qu’on a pu se perdre, autant?
L’amour dépareillé? C’est comme perdre son bas dans une paire au lavage. C’est perdre ton ami, ton confident, ton amoureux qui prend pu le temps. C’est penser au lieu d’écouter. C’est se sauver au lieu de régler. C’est commencer à haïr au lieu d’aimer. Deux bas pas pareils, ça l’habille ton pied, ça fait la job. Mais ce sera jamais comme quand les deux étaient là. Comment on fait pour perdre un bas? On perd la notion que les deux sont là. Un en dessous du lit, l’autre dans le lavage. Puis on oublie, on range le bas en solo parce qu’on sait pas où est l’autre et on prend pu le temps de savoir où il est. Et plus le temps avance, plus on s’en fou. Et quand y’a pu de paire pareille, on porte les bas dépareillés parce qu’on est rendu là. C’est simple, la paire au départ, ta préférée? Tu l’as laissé tomber. On s’est laissé tomber. On est devenu tellement différent.
Aujourd’hui, c’est moi qui envi ces couples heureux qui se minouchent et qui s’aiment même après des années à être ensemble. Les personnes âgées qui vivent encore l’amour, ça, j’en suis pas jalouse, j’en suis émue. Eux, ils l’ont compris. La flamme s’éteint pas, elle s’entretient. Le bas dans sa paire ne se perd pas. Parce que la personne qui a ces bas, n’a jamais pris pour acquis qu’elle pouvait s’en passer. Est-ce qu’on est rendu là? Prêts à se passer de l’un de l’autre? J’en doute. Mais on agit tout comme.
L’amour dépareillé, c’est de s’être perdu, ensemble, sans savoir se retrouver. C’est d’aimer mais arrêter de se forcer. C’est de vouloir sans se donner. Et ce qui fait mal? C’est que j’ai tombé. Et aujourd’hui, à ce moment précis, j’ai aucune idée comment me relever.